Beffrois de Belgique et de France

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Vingt-trois beffrois, situés dans le nord de la France, et le beffroi de Gembloux, en Belgique, ont été inscrits en tant que groupe et comme une extension des 32 beffrois belges inscrits en 1999 sous le nom de Beffrois de Flandre et de Wallonie. Construits entre le XIe et le XVIIe siècle, ils illustrent les styles architecturaux roman, gothique, Renaissance et baroque. Ils constituent des symboles hautement significatifs de la conquête des libertés civiques. À une époque où la plupart des villes italiennes, allemandes et anglaises s’attachaient surtout à construire des hôtels de ville, dans une partie de l’Europe nord-occidentale, l’accent était mis sur l’édification de beffrois. Par opposition au donjon (symbole des seigneurs) et au clocher (symbole de l’Église), le beffroi, troisième tour du paysage urbain, représentait le pouvoir des échevins. Au fil des siècles, il est devenu le symbole de la puissance et de la prospérité des communes.

© Editions Gelbart

Les beffrois sont de remarquables exemples d’architecture civique et publique en Europe. Au travers de leurs différentes formes fonctionnelles, et des changements qui ont pu leur être apportés, ils représentent un aspect essentiel de l’architecture européenne depuis le XIIIe  siècle. Ces constructions uniques reflètent le développement du pouvoir municipal qui a marqué l’histoire des Flandres (au sens historique de ce terme) du Moyen Âge jusqu’à nos jours.

D’abord appliqué aux tours mobiles en bois servant pour le siège des villes, le terme fut ensuite utilisé pour désigner les tours de guet en bois, montées sur palissades, qui entouraient le portus ou bien des sites préurbains. Il devait être donné notamment à ceux qui abritaient des cloches, ou se trouvaient près d’un clocher. Palissades, cloches et droit de posséder des cloches sont étroitement liés au développement de la vie urbaine. Les 31 beffrois de Flandres et de Wallonie, et les 23 du nord-est de la France, qui se trouvent toujours dans un environnement urbain, sont d’imposants clochers d’origine médiévale, généralement rattachés à la mairie et, parfois, à une église. En plus de leur remarquable valeur artistique, les beffrois symbolisent parfaitement la transition de la société féodale à la société marchande urbaine, qui a joué un rôle essentiel dans le développement de l’Europe à la fin du Moyen Âge. Les beffrois sont à la fois des monuments municipaux et des symboles, hautement significatifs, de l’acquisition des libertés civiles qui a suivi la dissolution du pouvoir des abbayes, qui étaient demeurées souveraines depuis le haut Moyen Âge.

Les beffrois les plus anciens, du XIIIe  siècle et du début du siècle suivant, sont manifestement calqués sur les donjons seigneuriaux auxquels ils empruntent leur forme carrée massive, une élévation comportant peu d’ouvertures, et des étages construits selon le principe de la voûte, ou dessinés en fonction d’elle. La partie principale du beffroi est surmontée par un chemin de ronde et par un parapet interrompu par différentes échauguettes ; la flèche centrale est couverte par un toit en ardoise qui peut présenter un grand nombre de formes. Les extrémités des angles et les tourelles centrales sont décorées d’animaux et de motifs symboliques destinés à protéger la commune. Le beffroi d’Ypres, du XIIIe  siècle, est un bon exemple de ce type, bien qu’il ait été à l’origine inclus dans un marché, et incorporé par la suite à l’hôtel de ville, dont la construction s’est poursuivie jusqu’au XVIIe  siècle.

Beaucoup des exemples concernés couvrent la période des XIVe -XVe siècles et les XVIe -XVIIe siècles. Ils offrent donc une illustration de la transition stylistique du gothique normand au tardo-gothique, qui se mêle par la suite aux styles Renaissance ou baroque. Aux XIVe -XVe siècles, les beffrois abandonnent le modèle du donjon pour se transformer en tours plus fines, plus hautes, comme celles de Dendermonde, de Lier ou d’Aalst. Par la suite, l’adjonction au sommet d’un élément plus étroit, de forme différente, destiné à servir de base au campanile, allait permettre de conférer au beffroi l’effet monumental recherché, et sa base elle-même allait prendre une forme plus bombée, parfois avec des extensions latérales, comme c’est le cas du beffroi de Veurne (XVIIe  siècle).

Lorsque les marchés et les beffrois devinrent trop petits pour servir de lieu de réunion aux conseillers municipaux, on conçut un nouveau type de bâtiment, l’hôtel de ville , clairement dessiné en fonction de l’organisation administrative et qui assuma, à partir des XVe et XVIe  siècles, un rôle de représentation manifeste en incorporant le symbole du beffroi, comme dans les exemples de Bruxelles et d’Oudenaarde.

Leur construction s’est souvent effectuée en plusieurs étapes, mais ils ont toujours su préserver leur harmonie d’ensemble. Certains, endommagés au cours de la guerre, ont été reconstruits, généralement à l’identique. Tous sont classés monuments historiques, soit pour eux-mêmes, soit comme une partie d’un édifice, d’une place ou d’un site urbain.

Source : UNESCO/CLT/WHC

Description historique

Le terme beffroi est assez peu défini à l’origine. Désignant au départ les tours de bois mobiles utilisées durant les sièges, le terme s’applique dans le Dictionnaire raisonné de l’architecture française de Viollet- le-Duc, aux tours de guet en bois des premières palissades entourant les portus ou centres pré-urbains. Il s’appliquera parfois à toute forme de tours mais plus précisément celle abritant les cloches ou à la limite seulement du clocher.

Palissades, cloches et droit de cloche sont étroitement associés au développement de la vie urbaine qui s’opéra dans nos régions après les raids normands du IXe siècle. La situation géographique favorable au coeur de l’Europe, le rétablissement ou développement de grands axes tels que celui de Bruges – Cologne et l’amélioration des voies navigables à échelle régionale et internationale, en firent un lieu propice aux contacts et échanges commerciaux et culturels. Les marchands ambulants, réapparurent, commencèrent peut-être à s’organiser et à fixer leurs entrepôts à proximité des castra des seigneurs féodaux. Ces noyaux pré-urbains, souvent établis le long des vallées fluviales, sont à l’origine des villes telles que Tournai et Gand, le long de l’Escaut. La jonction de routes et de voies navigables fut particulièrement favorable à l’organisation de marchés d’abord temporaires, et plus tard de foires permanentes incitant les marchands à s’installer sur place. Par ailleurs, l’industrie drapière semble s’être développée dès le XIe siècle, dans de petits centres tels que Lille, Ypres, Bruges, Gand, etc. Commerce et industrie drapière devinrent les facteurs de développement essentiels du noyau pré-urbain qui commença à s’affirmer comme entité organisée, via les associations professionnelles – guildes, corporations – et à se délimiter par des remparts/palissades, avec "beffrois", destinés à assurer la sécurité contre les pillards. Les remparts seront souvent construits "en dur" au XIIe siècle et étendus par la suite.

Ce développement se fit sous la protection, dûment rétribuée des castra, dont l’importance et le rôle diminuèrent progressivement, jusqu’à la récupération, dans certains cas, des châteaux abandonnés, par les "bourgeois" du lieu, comme à Gand et Anvers. Une telle évolution montre les conflits irrémédiables qui opposèrent châtelains et "bourgeois" désireux de s’organiser en "commune " avec une administration propre. Les comtes de Flandre successifs favorisèrent les bourgeois à partir du XIe siècle, ce qui donna lieu, d’Arras à Bruges, à l’éclosion au cours du XIIe siècle de villes florissantes qui réclamèrent des preuves écrites de leurs droits et privilèges, sous forme de "chartes". Ces chartes, délivrées à partir du XIIe siècle, sont extrêmement diverses et fragmentaires et d’ordre pratique, confirmant souvent peu à peu et légalement un état de fait.

La commune était en fait constituée par l’ensemble des bourgeois, vivant dans la ville et ayant prêté serment de fidélité. A sa tête, se trouvaient les magistrats élus, les échevins, scabini aux fonctions administratives, et le "mayeur", sans pouvoirs spéciaux ; le premier des échevins occupait une place importante puisqu’il présidait le tribunal et les réunions administratives, gardait les sceaux de la ville, les clés des portes et commandait la milice communale qui devait le "ban" au suzerain. En tant que "seigneur féodal", la commune avait d’autres obligations envers le seigneur, telle que le paiement d’aides pour les quatre cas suivants :

– départ pour la croisade ;

– chevalerie du fils aîné ;

– dote de la fille aînée ;

– rançon du seigneur prisonnier.

Le seigneur, en contrepartie, jurait de protéger la commune et de respecter ses droits.

Nombre de beffrois actuels ont été précédés par une construction en bois, le plus souvent disparue lors d’un incendie et seulement connue par les archives qui ne les décrivent pas. Le beffroi à destination multifonctionnelle fut rapidement construit en dur pour éviter qu’il fût à nouveau incendié. Son volume s’imposa comme élément isolé, central ou latéral des halles – ou marchés couverts – elles aussi rapidement construites en pierre.

Source du texte : évaluation des Organisations consultatives

Source : Unesco / Culture / Centre du Patrimoine Mondial

 
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